Ce n’est plus désormais un, mais deux arbres à loques qui entourent la chapelle du Bon Dieu de Giblot d’Hasnon. Un des lieux de dévotion parmi les plus emblématiques de notre région. Juste en bordure de la D 40, l’amoncellement de “chiffons” et d’objets multicolores ne passe pas inaperçu. Et même si la discrétion est ici une vertu, le conifère creusé lui aussi pour y nouer son voeu de guérison prouve que l’endroit est très fréquenté tout au long de l’année.

La tradition de l’arbre à loques

vue des deux arbres à loques et de la chapelle du Bon Dieu de Giblot d'Hasnon

La chapelle du Bon Dieu de Giblot ou Gibloux à Hasnon est ce qu’on appelle une chapelle à loques. Plus précisément, c’est le charme et le conifère plantés à proximité qui reçoivent les vêtements, linges, objets en tout genre laissés en espoir d’un vœu ou d’une guérison. En les accrochant ainsi, on laisse, au sens littéral du terme, sa maladie, sa souffrance, ses espoirs. Le saint invoqué au saint ou son intercesseur (arbre, fontaine, rocher, chapelle…) le prend en retour. Lorsque la loque tombe, la guérison ou le vœu est, dit-on, exaucé.

l'ancien arbre à loques qui se trouvent vers la chapelle del’Ercompuch à Stambruges tombé en 2009
Un des arbres à loques la chapelle de l’Ercompuch à Stambruges tombé à terre. On y dépose toujours des linges et des objets.

La puissance de cette tradition des loques est telle que les arbres sont interchangeables. Qu’ils meurent comme à Stambruges, qu’ils soient remplacés, et même dédoublés comme ici, ils gardent intact leur pouvoir guérisseur. C’est ainsi que le jeune charme d’aujourd’hui – qui a bien du mal à ne pas être étouffé – remplace bravement le vieux chêne qui portait autrefois les “chiffons” des pèlerins. Même constance pour la chapelle qui se trouvait auparavant plus loin dans la forêt d’Hasnon.

La chapelle et l’arbre à loques d’Hasnon : le témoignage d’un culte ancien ?

vue de la chapelle à loques du Bon Dieu de Giblot à Hasnon

L’inauguration du petit édifice tel qu’on le voit aujourd’hui a lieu le 14 septembre 1952. Il est ensuite déplacé à son emplacement actuel en février 1980. Il se trouvait alors en bordure de l’ancienne D. 99, l’ancienne drève Vicoigne qui reliait Hasnon à l’abbaye de Raismes , à travers la forêt. Mais on retrouve des mentions plus anciennes d’un lieu appelé “Dieu Giblo” ou “Dieu de Gibelot” notamment dans les récits des combats entre troupes françaises et autrichiennes en avril 1793 et les cartes d’Etat Major du XIXe siècle.

Nous avons un témoignage recueilli à la fin du XIXe siècle qui nous décrit le culte et le lieu du Bon Dieu de Giblot avant que ce ne soit construite la chapelle de 1952. On y parle d’un simple crucifix, au milieu des bois, placé dans un petit oratoire blanc, pas “plus grand qu’un coffre”. Le vendredi saint, les mères emmènent leur enfant né dans l’année pour qu’il marche plus vite. Pour guérir de la fièvre, on attache une jarretière aux branches des arbres qui l’entourent et qui, à cette époque en sont remplis.

Existait-il une autre chapelle à loques et une fontaine guérisseuse à proximité ?

vue de La fontaine miraculeuse Saint-Martin de Wulverdinghe avec son autel

Mais, fait intéressant, toujours selon ce même témoignage, il y avait également aux environs du Bon Dieu de Giblot, une chapelle et une source dite Notre-Dame-à-Loques. Lorsque quelqu’un était malade “on apporte une loque qu’il a eue dessus soi, un bonnet, un mouchoir, un sabot et on le jette dans la fontaine. S’il est pour guérir la loque vient dessus. S’il est pour mourir, la loque tombe au fond”. Une tradition qui semble donc particulièrement ancrée ici. Cette double dévotion d’un arbre et d’une fontaine est encore pratiquée, par exemple, à la fontaine Saint-Martin de Wulverdinghes.


vue de l'encart du guide des fontaines, chapelles et arbres guérisseurs du Nord et Pas de Calais


Qui est le « Bon Dieu de Giblot » ?

vue de la statue du Bon Dieu de Giblot d'HasnonLe nom est pour le moins insolite. Il semblerait que « Giblot » ou « giblou » soit une déformation francisée de Gembloux, petite ville belge, prés de Namur. On y vénérerait, dans l’église Saint Guibert, la statue d’un Christ flagellé qu’on appelait le « vieux bon Dieu ». Cette statue se mit à saigner lorsqu’on voulut la déplacer. Le prodige et les guérisons miraculeuses liées à cette statue entraînèrent rapidement la propagation du culte. Une expansion qu’on retrouve notamment dans le brabant wallon et dans le Hainaut belge et français dès le XVIe siècle. Elle donnera lieu en patois du Valenciennois (le rouchi) à l’expression populaire “être comme l’bon dieu d’Giblot”. Traduisez celui qui regarde d’un air stupide ou affligé.

Une seconde explication fait, elle, mention d’une expression qui dit “ressembler au bon Dieu de Giblou”. Elle désigne ainsi quelqu’un de mal habillé. L’auteur fait donc le lien est fait avec la tradition des habitants de Gembloux en Belgique d’emmailloter la statue de l’enfant Jésus, de “chiffons de toutes sortes”.

Entre dévotion et médecine populaire

gros plan des loques du Bon Dieu de Giblot à Hasnon

Les loques sont sans doute un prolongement des ex-voto anatomiques en usage depuis des siècles. Nul besoin ainsi de sculpter ou faire sculpter le membre à guérir. Un linge porté ou un objet personnel suffisent. Peste, choléra, mal des Ardents… Les grands fléaux ont rejeté aux portes des villes maladreries et malades. La médecine souvent impuissante laisse toute la place à Dieu, à la Vierge ou à un saint. Une guérison devient un miracle. Un miracle qui entraîne dans son sillage l’espoir de beaucoup d’autres. Il serait intéressant de superposer la carte des foyers infectieux et les lieux de dévotion. On y verrait sans doute une grande cohérence temporelle. Cette résurgence de pratiques encore plus anciennes, païennes, polythéistes trouve un sens dans les difficultés que vont traverser individuellement ou collectivement la population.


LA CHAPELLE ET L’ARBRE A LOQUES D’HASNON EN PRATIQUE

vue de la chapelle du Bon Dieu de Giblot et ses deux arbres à loques à Hasnon

  • Accès libre à la chapelle et à l’arbre à loques
  • Elle se situe en bordure de la D 40, non loin de la sortie 4 de l’autoroute A23
  • Localisation GPS : N 50¨24’ 55.52 ‘’ / E 3¨24’ 30.34 ‘’
  • Chemin d’accès extérieur à la chapelle accessible aux personnes en situation de handicap

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