Qui est donc Sainte Mildèdre réputée guérir les fièvres et que les jeunes femmes enceintes vont prier ? Plus connue de nos amis anglo-saxons, une seule commune française, Millam dans les Flandres, la vénère encore. Et c’est en découvrant un lieu délicieusement champêtre, une promenade bucolique à souhait que nous allons feuilleter la légende de Mildrède et de son ruisseau aux eaux si convoitées autrefois.
Sainte Mildrède, l’histoire d’une jeune femme pourchassée
Il n’était pas bon jadis de vouloir se consacrer à Dieu lorsqu’on était de noble lignée et très jolie de surcroît. Tout comme Sainte Saturnine, elle devra fuir un prétendant trop entreprenant. Et même si l’issue est moins funeste, cela va lui valoir quelques déboires.
Car Mildrède n’est pas n’importe qui. Née vers 660, elle est l’une des trois filles d’Ermenburge et de Merewald, roi chrétien de Mercie. Il règne sur les Magonsæte, un peuple de l’ouest des Midlands en Angleterre. Sa mère, devenue veuve décide de fonder une abbaye dans le Kent. Elle obtint une terre dont la superficie serait celle qu’une biche, l’animal préféré de la reine, pourrait couvrir en une journée. Ainsi explique-t-on la présence de cet emblème comme un des attributs de la sainte.
De l’abbaye de Chelles à Millam dans les Flandres
Ermenburge envoie sa fille à l’abbaye royale de Chelles en région parisienne pour y recevoir une éducation religieuse. En se fiant à la chronologie, elle est donc probablement accueillie par Bertille (sainte Bertille de Chelles). Un des proches de l’abbesse tombe amoureux de la jeune Mildrede et veut l’épouser. Décidée à mettre sa vie au service de Dieu, elle refuse. En proie aux pressions puis aux persécutions, enfermée, dit-on, trois jours dans un four, elle s’enfuit. Elle remonte vers le Nord afin d’embarquer pour regagner l’Angleterre.
La vallée de l’Aa formait alors un golfe où la mer remontait alors très loin dans les terres. Watten distant seulement de quelques kilomètres de Millam, faisait office de site d’accostage. Les conditions d’embarcation étant mauvaises, la jeune femme patiente au hameau de Millam avant de rejoindre l’abbaye de Minster-in-Thanet fondée par sa mère. Elle en deviendra l’abbesse avant de mourir vers 700. C’est lors de ce séjour forcé en Flandre qu’elle guérira des malades atteints de la « fièvre des marais ». Le terme recoupe en réalité un spectre large de maladies (paludisme, fièvres typhoides, influenza, dysenteries, tuberculose). La fièvre, au sens large, va rester une des maladies dominantes dans les marais du Nord jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Le souvenir d’un culte ancien
La chapelle actuelle datée de 1702 semble avoir remplacé un édifice plus ancien. Certains historiens voient même dans Mildred, l’origine du nom de Millam. Le nom de mulder, Mildred en flamand, est mentionné en 826 (Muldelhem), Middelhem (838), Mildredhem (le village de Mildrède) puis Milhem pour arriver à la forme actuelle de Millam.
De nos jours, Mildrède est encore honorée à Izenberge, en Belgique à une quarantaine de kilomètres seulement de Millam. Cette unité géographique conforte l’idée de racines profondément locales. Un pèlerinage a toujours lieu à Millan autour du 13 juillet, fête de la sainte. L’occasion d’entrer dans cette chapelle désormais fermée.
Une étonnante statue de Sainte Mildrède a beaucoup fait parler
En 1924, Pierre Turpin explique que la chapelle n’est plus beaucoup fréquentée. En cause, sa fermeture pour pallier les désordres qui s’y déroulaient chaque année. Mais le plus intéressant est la description des trois statues qu’elle renferme alors, dont une assez truculente.
Il évoque une statue de la sainte en bois peint qui présente une singularité. Elle tient dans sa main gauche un grand livre ouvert. Le poignet et le livre sont articulés. Un mécanisme permet de relever le livre laissant apparaître la couverture. Or, cette couverture est ornée de deux seins peints et sculptés en relief. Les fidèles venaient prier sainte Mildrède pour la guérison des fièvres. Les femmes enceintes venaient aussi l’implorer pour favoriser une heureuse délivrance.
Agenouillées devant la statue, elles devaient baiser le livre. Au moment de le faire, le livre actionné par le clerc ou le curé se relevait et la jeune femme se retrouvait nez à nez avec deux seins qui surgissaient ainsi devant elle. Et l’auteur d’ajouter que cette vue pittoresque ne devait pas manquer de procurer le réconfort qu’elle était venue chercher. Alors légende ou vérité ? Ce ne serait pas le seul exemple de statue dotée d’un mécanisme plus ou moins rudimentaire et suggestif. Elles sont notamment bien souvent en lien avec un culte relevant de la grossesse et de la fertilité.
À la dévotion de la statue qu’il fallait embrasser, on trouve également trace de la coutume d’emporter de l’eau puisée au ruisseau. On pouvait aussi y tremper un linge appliqué ensuite sur la partie malade.
Un culte des eaux et de la grossesse
On peut s’étonner de retrouver à Millam une tradition liée à la grossesse voire même selon certaines sources à la stérilité. D’autant que rien dans l’hagiographie de Mildrède ne semble en faire écho. En réalité, il est fort probable que cette curieuse statue ne soit pas celle de Sainte Mildrède, mais de sainte Agathe. Une sainte populaire, souvent représentée tenant dans ses mains ou sur un plateau ses seins mutilés.
Cette martyre invoquée contre les catastrophes naturelles, les incendies, mais aussi pour la protection des viols, des « turpitudes de la chaire » comme on disait jadis, la stérilité, les maladies liées aux seins, l’est aussi par les nourrices et les femmes enceintes qui souhaitent allaiter. Cette confusion avec Sainte Agathe pourrait alors expliquer que l’épisode des violences subies à Chelles et une dévotion plus particulière en lien avec la grossesse n’apparaissent que dans les récits français.
Quant au choix d’un lieu qui semble si isolé, là aussi, le récit emprunte volontiers aux figures traditionnelles. La statue en bois de sainte Mildrède aurait été trouvée dans le petit cours d’eau. Elle revint par deux fois du lieu où elle avait été déplacée désignant ainsi l’endroit où un sanctuaire devait s’élever. On retrouve cette même obstination dans le récit de la Vierge nautonière de Boulogne-sur-Mer.
LA CHAPELLE SAINTE-MILDREDE EN PRATIQUE
- Propriété privée. La chapelle se situe au bout d’un chemin de terre. Vous pouvez néanmoins approcher pour admirer les extérieurs de l’édifice.
- La chapelle, ordinairement fermée, est ouverte durant la neuvaine (trois jours) organisée chaque année autour du 13 juillet, jour de la fête de la sainte.
- Localisation : chemin de Sainte-Mulders, Voie communale 15, 59143 Millam.
- Plus d’information sur la neuvaine sur le site du diocèse
NORD DECOUVERTE VOUS CONSEILLE AUSSI A PROXIMITE - Cette promenade vous réserve un concentré d’idées de balades aux alentours. À commencer par une jolie randonnée autour de Sainte-Mildrède (circuit de 5 km ou 8 km).
- Découvrir Watten avec son moulin, son lac bleu et son musée des archers.
- Entrer dans l’impressionnant blockhaus d’Eperlecques
- Aller jusqu’à la la source et l’arbre à loques de Wulverdinghe
- S’arrêter à la source miraculeuse de Bollezeele (en accès libre – chemin des Cinq-Rues) et entrer dans l’église de Saint-Wandrille pour admirer la statue de Notre Dame de Bolezeele invoquée par les jeunes femmes désirant un enfant et par les mamans durant leur maternité.