De la rencontre entre les années folles et le Front populaire, naît des édifices hors normes. Des édifices qui témoignent aujourd’hui encore d’une approche sociale qui rêvait grand. Grand, mais très structurée idéologiquement. L’architecture de la piscine Art Déco de Bruay-la-Buissière est à l’image non seulement d’une époque, mais aussi d’une grammaire politique et économique où tout fait sens. Reste le plaisir intact pour les baigneurs d’hier et d’aujourd’hui à continuer à barboter, plonger, nager dans la dernière piscine Art Déco encore en activité en France. Alors, profitons-en !

Bruay la minière

vue des terrils anciens de Bruay-la-Bussière

Bruay, ville minière depuis la seconde moitié du XIXe est l’exemple même d’une cité au carrefour des profonds changements qui s’opèrent : l’arrivée massive de travailleurs étrangers (Belges, Italiens et surtout Polonais) au lendemain de la Première Guerre mondiale. Des ouvriers qu’il faut loger, sédentariser, garder en meilleure santé possible, mais aussi divertir. La cité minière devient un substitut de village recomposé, la Compagnie des mines, une « nouvelle patrie ». Enfin, le syndicalisme porte à la tête des municipalités des maires socialistes comme autant de bastions conquis. Ils vont promouvoir l’idée d’une société où le peuple doit avoir accès aux mêmes distractions, au même esthétisme que les plus nantis.

maison de la cité des électriciens de bruay-la bussière

A Bruay, Henri Cadot, lui-même ancien mineur, sera maire de 1919 à 1944. Il illustre ces trajectoires d’une époque où le syndicalisme porte des ouvriers, des cafetiers au pouvoir. Depuis le milieu du XIXe, les foyers syndicaux s’organisent et se structurent. Ils ont bien souvent leur siège et tiennent leur réunion dans les cabarets et les estaminets. Entre « mauvaises fréquentations politiques » et « mauvaise vie », « lutte ouvrière » et « santé publique », tout doit être fait pour écarter les ouvriers de ces endroits de « perdition ». Tout doit être fait pour que l’ouvrier ait envie de rentrer chez lui après la journée de travail. Les maisons des cités sont plus accueillantes. Les écoles ménagères forment de bonnes épouses. Enfin, les parcs et les piscines incitent aux sorties familiales, saines et respectables.

Hygiénisme, goût de l’effort et maîtrise du temps de loisirs

La pensée hygiéniste née au XIXe a fait son œuvre et traverse la conception même de l’habitat et l’espace urbain. L’air, l’eau, la lumière, la nature réinventée gouvernent les principes architecturaux. Parcs, kiosques à musique, stades, piscines, cités ouvrières quadrillent l’urbanisme, organisent l’espace public et privé, professionnel et familial.

photo ancienne de nageurs dans une piscine

L’entre-deux-guerres voit le sport quitter les sphères élitistes pour les classes les plus populaires notamment à travers des projets architecturaux phares. Les stades et les piscines en font partie. L’éducation devient aussi physique. Les jeux deviennent enjeux, les loisirs un acquis social. Le complexe sportif de Bruay-la-Bussière en est le parfait exemple. Stade, piscine et parc sont côte à côte.

L’Art Déco, l’esthétisme de l’entre-deux-guerres

vue hublot de la piscine art déco de bruay-la-bussière

Né juste avant la Première Guerre mondiale, ce courant esthétique va infuser dans l’entre-deux-guerres tous les champs d’expression des arts décoratifs : du mobilier aux imprimés, de la ferronnerie aux maîtres verriers. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les ravages de la guerre, l’essor industriel, la montée en puissance du socialisme vont se traduire par une floraison de projets architecturaux Art Déco exceptionnels. Citons l’autre grande piscine emblématique de notre région, la Piscine-musée de Roubaix (1932), l’Huîtrière à Lille (1922), le quartier Exentric de Dunkerque (1927-1939) , les villas balnéaires du Touquet, ou encore la magnifique salle Sthrau de Maubeuge (1925).

La piscine de Bruay, un Art Déco aux tonalités modernistes

vue panoramique d'entrée de la pisicine art deco bruay-la-bussiere.

La piscine Roger Salengro de Bruay-la-Bussière commencée en 1935 est inaugurée le 1er août 1936. Son architecte Paul Hanote choisit une esthétique aux lignes très épurées qui fait écho à l’architecture moderniste dont un des joyaux est la villa Cavrois de Croix près de Lille (1932) signée Mallet-Stevens.

vue du grand bassin de la pisicine Roger Salengro de Bruay

L’ensemble des trois bassins, gradins et les 224 cabines et vestiaires décline un style inspiré des grands paquebots transatlantiques. Les fenêtres rappellent les hublots. Les garde-corps, les bastingages. Les tours et avant-corps sont autant de proues et de cheminées. On est frappé par la grande harmonie des lignes et le jeu des tonalités éminemment marines du blanc et du bleu qui se répondent merveilleusement. Un lieu à découvrir vraiment. Et si vous en profitiez pour faire quelques longueurs ?


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LA PISCINE ART DECO DE BRUAY-LA-BUISSIERE EN PRATIQUE

portail entrée de la piscine art déco de Bruay-la-Bussière

  • Accès payant – 716 rue Augustin Caron, 62700 Bruay-la Buissière
  • Parking gratuit devant
  • Tél :03 21 62 43 18
  • La piscine offre aujourd’hui tout le confort et l’infrastructure souhaitée notamment un bassin de 33 m chauffé.
  • Infos horaires et tarifs sur le site sur le site de la communauté d’agglomération.

Profitez des visites lors du Printemps de l’Art Déco et celles proposées par l’Office de Tourisme de Béthune Bruay pour découvrir ce magnifique endroit.


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Le stade-parc Roger Salengro

Faites quelques pas pour découvrir le très joli stade-parc Roger Salengro (5 ha). Il fait partie de l’ensemble sportif (vélodrome et piscine) inauguré en 1936. Parmi les essences rares d’arbres que vous pourrez admirer, citons notamment un thuya de Lobbe appelé aussi « arbre de vie », un orme pleureur ou encore un gingko Biloba. Le plus téméraire d’entre eux est sans doute l’étonnant cèdre de l’Atlas au tronc curieusement déformé. Touché deux fois par la foudre, il a survécu.

Enfin, autres curiosités, le kiosque à musique (1938) et les trois boulodromes. Le premier, bien exposé, était autrefois réservé aux cadres de la mine. Le second, moins en vue aux mineurs français. Enfin, le troisième, pour le moins à l’ombre, aux mineurs étrangers.

  • Accès libre – Avenue Roger Salengro
  • Accessible aux personnes en situation de handicap
  • Toutou accepté en laisse

La Cité des Electriciens de Bruay-la-Bussière

entrée de la Cité des Electriciens de Bruay-la-Bussière

Construite au milieu du XIXe (1856-1861) par la Compagnie des Mines de Bruay, elle témoigne d’un habitat ouvrier qui préfigure les cités-jardins du XXe siècle. Entièrement rénovée, elle a conservé sa configuration d’origine composée d’une dizaine de rues qui portent toutes le nom de scientifiques dont les travaux concernaient l’électricité (Ampère, Marconi, Volta, Edison, Franklin, Faraday, Branly, etc.) d’où son nom de Cité des Électriciens. Inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, elle est aujourd’hui la plus ancienne cité minière du Pas-de-Calais. 

Les extérieurs, en accès libre, vous invitent à découvrir un dédale de jardins potagers, de voyettes, de carins, ces petits appentis, évoquant la vie d’autrefois ou présentant des réalisations d’artistes. Le site accueille également un centre d’interprétation, des résidences d’artistes et des gîtes ouverts tout au long de l’année. Des visites guidées sont proposées régulièrement.