Si, à l’approche de Noël, vous croisez des betteraves en forme de lanternes grimaçantes dans les rues des villes et des villages du Boulonnais… Ne sursautez pas. Vous êtes en présence des guénels, une tradition de Noël en encore bien vivante dans le Pas-de-Calais. Cette fête ressemble à s’y méprendre à Halloween avec laquelle elle partage sans doute les mêmes origines. C’est en compagnie de Nadine, que nous allons parcourir l’histoire et les coutumes liées aux guénels. La chanson “ô guénels” que sa grand-mère Julienne fredonnait souvent et le fameux Plum-pudding qu’elle confectionnait le soir du réveillon… Sont autant de souvenirs d’enfance qu’elle garde précieusement en mémoire… Et qu’elle nous fait partager pour notre plus grand plaisir.
Les guénels… dans la tradition des quêtes
Aguignettes en Normandie, l’aiguillonné en Gascogne, quête de la Guillaneu en Vendée et en Poitou… On retrouve dans de nombreuses régions de France, la tradition des quêtes d’enfants ou de jeunes villageois allant de porte en porte quémander une friandise pour Noël ou la nouvelle année. En remerciement, on chante une chanson pour apporter joie, bonheur et prospérité aux généreux donateurs. Et malheur à ceux qui n’ouvrent pas. Ici dans le Pas-de-Calais, la coutume des guénels est particulièrement implantée autour de Boulogne-sur-Mer, Wimereux, Le Portel, Marquise, Rinxent, Etaples.
À toute tradition, il faut toujours un certain mystère entourant ses racines. Certains vous diront que son origine est récente. Au milieu du XIXe, un enfant pauvre d’Equihen, alors un petit port de pêche de la Côte d’Opale, a l’idée de confectionner une lanterne sculptée dans une betterave. Il alla ensuite frapper aux portes en souhaitant un “gai Noël” pour recueillir un peu de nourriture et quelques sous. D’autres pensent, en revanche, que son origine est plus ancienne et remonte au XVe siècle. Une tradition voulait, en effet, qu’au moment des fêtes de l’an, les guetteurs de Boulogne-sur-Mer remettent aux bourgeois et notables de la ville une torche allumée. Ils recevaient en échange boissons et nourriture.
Des racines proches d’Halloween
Mais la ressemblance avec Halloween peut nous inciter à y voir une résurgence plus ancienne. Avant d’être la fête commerciale que l’on connaît, Halloween plonge ses racines dans les fêtes celtiques de Samain, célébrées au début de l’automne. Elles marquaient alors le seuil du nouvel an. À l’origine, ce n’est pas une citrouille qu’on sculpte mais des navets ou des rutabagas… Bien plus proches de nos betteraves sucrières. Tel le héros du vieux conte irlandais Jack à la lanterne, les plus jeunes déambulent eux aussi dans les rues à la recherche d’une offrande.
Les fêtes païennes sont venues se confondre peu à peu aux fêtes chrétiennes qui ont imposé leur propre calendrier : la Toussaint, Noël, le nouvel an. De nouvelles dates, mais un symbolisme qui perdure. Les défunts et la morte-saison, la naissance de l’enfant Jésus qui préfigure celle de la nature, le passage à l’année nouvelle, un gui vers l’an neuf, un gué pour l’an nouveau.
Douze nuits pour un nouveau jour
Du 25 décembre au 6 janvier, jour de l’épiphanie, ce sont les douze nuits les plus longues de l’année. Douze longues nuits d’hiver où tous les dangers guettent petits et grands. Les fées, les sorcières, les mauvais esprits… Et les brigands qui se tapissent dans l’obscurité ; le froid, la famine pour les plus démunis ; et cette nouvelle année qui vient, sera-t-elle bonne ou mauvaise ? Sera-t-elle une année d’abondance ou de disette ? Le feu, la lumière des bougies et des lanternes, les noix, les fruits, les friandises, les quelques pièces offertes aux plus jeunes, les cadeaux, les porte-bonheur, les vœux échangés pour qu’ils apportent joie, santé et prospérité. Ils sont autant de traditions et de liens sociaux qui rassemblent et soudent la communauté aux moments les plus sombres – et les plus difficiles – de l’année.
Certains sociologues voient aussi dans ces quêtes traditionnelles le moyen de tisser un lien de re-connaissance des plus jeunes et des aînés. Aller frapper aux portes et recevoir en échange un bonbon, une offrande étaient aussi une façon de se connaître, se faire connaître et se reconnaître. Une manière de souder les générations et les individus dans un geste de réciprocité, de bienveillance les uns envers les autres.
La convivialité au cœur de l’âme des Guénels
Les guénels sont liés à Noël, à cet instant de partage où les liens familiaux se retissent même pour les plus éloignés. Les petits plats sont dans les grands, les réveillons réunissent la famille autour d’un bon repas. Quoi de plus symbolique dans notre région du Nord que de fêter les guénels autour d’une bière ? C’est l’idée de Christophe Noyon, qui, dans sa brasserie des Deux-Caps a élaboré la savoureuse O Guenel. Une bière maison, puissante, au goût prononcé, qui entre dans la grande tradition des bières de Noël… A déguster avec modération lors des repas de fêtes.
Mais, finissons, comme tout bon réveillon par la note sucrée, le fameux Plum-pudding traditionnel du Nord ! La recette anglaise remonte au XVIIe siècle. Elle a traversé la manche et la mer du Nord avec tout son cérémonial. Notamment, quand il arrive sur la table, prêt à être flambé. Nadine se souvient de l’instant où sa grand-mère Julienne enflammait le rhum. Chacun saisissait alors une cuillère pour arroser le gâteau. Un vrai privilège, car la tradition veut que le Plum-pudding doit flamber le plus longtemps possible. On l’arrose avec soin et chaque cuillerée ravive la lueur bleue qui entoure le dessert.
Cette lueur rejoint ainsi, symboliquement, celle des bougies et des guénels. Des petites lumières sentinelles qui écartent la redoutable obscurité des longues nuits d’hiver.
NORD DÉCOUVERTE VOUS CONSEILLE AUSSI …
- Découvrir une authentique recette du traditionnel et très gourmand plum-pudding du Nord
- Voir en vrai ces effrayantes betteraves sculptées lors des fêtes et des marchés de Noël, notamment à Etaples, Boulogne-sur-Mer.
3 Commentaires
Leboeuf Céline
Oh quel bon moment vous me refaites pensé, je suis née à Boulogne sur mer et toute ma jeunesse a était bercer par ces fêtes, les guenels c’était un moment de partage,du début à la fin, nous allions demander la permission de nous servir pour avoir chacun sa betterave,,ensuite c’était la réalisation du guenel avec mes cousins, cousines, voisin, amis…puis pour finir la récompense (bonbon,petite pièce)en allant montrer nos guenel et chanter notre chanson O’guenel ,je ne regrette rien de cette jeunesse ou nous ne restions pas devant un écran
Isabelle Duvivier
Merci pour ce beau témoignage sur une tradition qui perdure et ravive à chaque fois de nombreux souvenirs. Au nom de toute l’équipe Nord Découverte, je vous transmets toute notre amitié.
gabriel vanbesien
Que de souvenirs ces bettraves, je m’appelle Gabriel de Dunkerque mais maintenant j’habite l’Australie depuis 37 ans apres avoir passe 10 ans au Canada.Je fais du Babysitting pour des classes de Francais a U3A ici a Cairns et je suis toujours a la recherche de choses interresantes pour ma classe.Je prepare le pudding avec la recette de mon pere?? qui a ete la tradition a la maison de son vivant. Moi ici j’ai fini de preparer ma chutney de mangue verte et aussi les pickles.
J’aurais aime vous envoye le devoir en Francais d’une Irlandaise de ma classe regardant Halloween..
Merci pour cette bonne lecture.
Gabriel vanbesien: taper mon nom sur Google, je suis le cuisinier.
Cheers
.