Nous voici au bord de la bucolique fontaine Glorieuse de Lesdain, petit village du Cambrésis, proche de Crèvecœur-sur-l’Escaut, des Rues-des-Vignes avec sa magnifique abbaye de Vaucelles et de l’emblématique château d’Esnes. Une fontaine cachée des regards par un bosquet d’arbres, en contrebas d’un petit chemin, qui offre l’occasion d’une bien jolie halte. Mais d’où vient son qualificatif de Glorieuse ? Et que font ces curieux petits rails qui semblent aujourd’hui se perdre dans ses eaux tranquilles ?

L’abondance des eaux de Lesdain

vue plan large de la fontaine glorieuse de Lesdain

Tant d’eaux coulent à Lesdain qu’elles ont valu à ses habitants d’être appelés les « culs d’iau ». Un sobriquet explicite. Plusieurs fontaines ont façonné le visage et l’histoire du village notamment la fontaine de la Ville et la fontaine Glorieuse. “Glorieuse” peut-être pour la vivacité de son eau et les vertus qu’on lui prête. Car, lorsqu’en juillet 1907, la commune décide d’aménager le chemin, jusque-là privé, qui mène à la source, les Lesdanais seront nombreux à mettre en avant ses qualités bienfaitrices. Les débats portèrent sur l’ancienneté et l’importance de sa fréquentation ainsi que sur son eau toujours limpide. À l’inverse d’ailleurs de la fontaine de la Ville impropre par temps de pluie. Le jugement donna raison à la commune quant à son caractère d’utilité publique.

Les petits trains à faible écartement

vue de la fontaine glorieuse de Lesdain et ses vestiges de rails type Decauville

Si l’eau coule toujours au pied de la source, en rejoignant un peu plus loin le torrent d’Esne, elle ne sort plus des siphons insérés dans le bloc en béton construit par les Allemands en 1917. Car au-delà du cadre champêtre, l’intérêt du site est aussi dans les vestiges de petits rails encore visibles qui surprennent par leur faible écartement et leur position en partie au-dessus de l’eau.

À l’origine du concept des voies étroites, Paul Decauville, à la tête d’une exploitation de betteraves sucrières dans l’Essonne. En 1875, le ramassage et le transport de la récolte s’avèrent difficiles en raison des pluies incessantes. Il imagine alors un système de rails, de 0,40 cm de largeur, très modulables, faciles à installer par deux ouvriers seulement, sur lesquels il fait rouler des wagonnets. Le “petit chemin de fer portatif” est né, adopté notamment par l’industrie agricole, minière et forestière.

Le système Decauville: Des champs de culture aux champs de bataille en passant par les plages

vue d'un ravitaillement en eau d'une locomotive Decauville

L’armée française va très tôt s’intéresser au système Decauville et tester, dès 1906, l’écartement de 0,60 cm qu’on trouve ici à Lesdain. Sa pose rapide, capable de s’adapter aux vicissitudes du terrain, aux boyaux étroits, boueux. La possibilité de moduler le matériel roulant, la composition du convoi, la capacité à transporter aussi bien des matériaux, des munitions, des troupes, du ravitaillement, des canons… A très vite été repris par d’autres constructeurs et d’autres pays dont l’Allemagne.

Il reste pourtant de rares survivants. C’est le cas, notamment, de la ligne du “petit vapeur des bains de mer» de la Baie de Somme mis en service en 1887. Mais saviez-vous que la première ligne à voie étroite (0,50 cm) en France à transporter des voyageurs fonctionne toujours ? Installée par les établissements Decauville en 1878,  elle relie encore  aujourd’hui la porte Maillot au jardin d’acclimatation à Paris .

La fontaine Glorieuse dans la grande guerre 

vue d'une locomotive vapeur roulant sur les voies étroites

À l’hiver 1916-1917, les troupes allemandes sont en échec sur la Somme et Verdun. L’état-major décide la construction d’une nouvelle ligne défensive, plus courte, mais mieux aménagée. Cette ligne qui court sur 160 km de Lens au plateau du Chemin des Dames sera baptisée la ligne Hindenburg. Cette ligne est également doublée de deux autres réseaux qui composent un maillage étroit et efficace de barbelés, fossés antichars, bunkers, tranchées, réseaux de galeries, abris enterrés, tunnels et voies ferroviaires. Ils tireront notamment partie des forêts, reliefs, plaines et voies navigables pour concevoir une ligne de front redoutable.

La fontaine Glorieuse de Lesdain va donc fournir aux Allemands un point en eau idéal pour le fonctionnement du matériel roulant et le ravitaillement des troupes. La construction d’un dépôt de munitions et de matériel à proximité entre dans ce maillage logistique militaire de la ligne Hindenburg. Les quelques mètres de petits rails se perdent aujourd’hui sans retour dans l’eau claire de la source…

vue du repère de nivellement de la fontaine Glorieuse de Lesdain

Enfin, parmi les petits détails insolites, vous verrez juste à côté du bloc en béton, un repère du nivellement général (N°58) apposé sur une pierre. Il annonce fièrement une altitude de 66,54 m.

  • Localisation le chemin de la Fontaine Glorieuse, Lesdain (via la rue de Vaucelle)
  • Stationnement possible sur place
  • Accès libre à la fontaine.
  • Chemin herbeux en pente douce pour arriver jusqu’à la fontaine.

Texte de Catherine Meyza


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