Les pierres de Niergnies posent encore beaucoup de questions. Sur leur origine, leur signification, leur rôle. Absentes des grands répertoires archéologiques du Nord-Pas-de-Calais, elles ne manquent pourtant pas de pittoresque. L’une d’elles, notamment, fait beaucoup parlé avec sa forme, disons, suggestive… Alors s’agit-il d’un ancien cromlech, des morceaux d’un mégalithe détruit, d’une pierre à superstition ? Et ce tertre ? Est-ce vraiment un ancien tumulus comme certains le pensent ?
Le cromlech de Niergnies, légende ou réalité ?
Elles sont 5 pierres disposées presque en demi-cercle devant le calvaire. Un calvaire impressionnant avec cet immense Christ en croix, entouré de part et d’autre des statues de Marie et de Jean. C’est sur cette dernière, qu’on a d’ailleurs fixé un repère de nivellement qui affiche fièrement une altitude de 90,92 mètres au-dessus du niveau de la mer. Tout autour, 12 arbres, pour symboliser les 12 apôtres.
Entrons maintenant de plain-pied dans la légende où l’on croise des histoires de sorcellerie, de superstition et surtout beaucoup de mystère. Commençons par le fameux tertre. Malheureusement, en réalité, il ne s’agit pas d’un ancien tumulus, mais d’une butte artificielle édifiée avec les gravas et les débris de démolition de l’ancienne église. Les ossements retrouvés parmi eux, proviennent très probablement du cimetière qui entourait autrefois l’édifice religieux. En effet, l’église d’aujourd’hui a été entièrement reconstruite entre 1862 et 1864 et le cimetière transféré à sa place actuelle.
Le calvaire date lui-aussi de la même époque. Pour preuve, la pièce de monnaie en bronze, datée de 1862, découverte encastrée dans un des pieds du Christ. Une tradition courante autrefois qui permettait de dater la construction, au-delà du caractère symbolique de cette obole.
L’origine de ces grès aux formes si curieuses…
Le calvaire de Niergnies n’est donc pas érigé sur d’anciennes tombes. Mais d’où viennent ces pierres aux formes si singulières ? Deux d’entre elles, à l’entrée du calvaire, retiennent plus particulièrement l’attention. Deux grès formés de boursouflures et de cupules, l’un en forme de triangle, l’autre en pointe. Une forme suggestive qui n’a pas manqué d’alimenter des théories audacieuses…
L’aspect bosselé de la pierre est pourtant courant dans la région. On en retrouve de semblables sur une des faces de la Pierre qui pousse, le menhir d’Aubigny-au-Bac, sur la Pierre Martine à Solre-le-Château ou encore la Pierre qui pousse d’Haulchin en Belgique. Une première question se pose : Les pierres de Niergnies seraient-elles à l’origine un seul voire plusieurs mégalithes détruits avant d’avoir été répertoriés comme tels ? Et que penser de la similitude avec une pierre, servant de boute-roue, encore visible à l’angle de la rue de l’Église et de la rue de la Fontaine, au cœur de Niergnies ? Enfin, peut-on avancer l’hypothèse que la forme particulière de l’une d’entre elles pourrait la rattacher à la tradition des pierres de fécondité comme l’étaient, justement, la Pierre Martine ou la Pierre de Dessus-Bise à Sars Poterie ?
Les pierres ont toujours été entourées de traditions, de superstitions, de pouvoirs. Et parmi ces pouvoirs celui de guérison. On pouvait guérir de tout au gré des formes et des saints qui avaient “colonisés” le dolmen, le menhir ou un rocher plus atypique que les autres. On devait s’y frotter avec plus ou moins de pudeur, s’asseoir dessus, recueillir l’eau prisonnière d’une cupule, le gratter pour concocter une mixture à boire, à panser, à garder… L’infertilité ou la volonté d’avoir des enfants était une préoccupation sociale fréquente… Nombre de mégalithes, fontaines, arbres et saints guérisseurs ont cette vocation dans notre région. Rien n’indique, cependant, que les grès de Niergnies ont eu ce rôle. Mais l’ambiguïté demeure.
Dans la tradition des pierre funéraires ?
Martine Loze dans son excellent livre Grande et petites histoires de Niergnies publié par l’association “Cambrésis Terre d’Histoire” aborde d’autres pistes de réflexion. Celle, par exemple, de Jean Mossay, qui souligne la similitude entre la forme ovoïdale des pierres de Niergnies et d’autres monuments trouvés dans la région. C’est le cas des 4 “œufs” de Recquignies, visibles sur le haut d’un mur, juste à côté du monument aux morts ou le duo enchâssé dans la grille de l’église d’Ostergnies. En partant du principe que les pierres de Niergnies proviennent toutes de l’ancien cimetière qui jouxtait l’église, elles pourraient témoigner d’une symbolique funéraire et de monuments remontant à la Haute Antiquité.
La forme ovale rappelle en effet celle de la pomme de pin associée, dans la mythologie grecque, à la quête de Demeter descendant aux Enfers pour aller chercher sa fille. Leur forme est aussi celle de l’œuf, symbole de vie et de résurrection chez les Chrétiens. Enfin, le lien avec la fécondité est là aussi une interprétation possible.
Pourtant, toutes ces pistes ne se contredisent pas. Chaque siècle a réécrit leur histoire, leur ont trouvé des origines, des légendes. Chaque siècle a essayé d’effacer les vieilles croyances pour en implanter de nouvelles … Le recyclage des matériaux a toujours été de mise. Mégalithes et pierres taillées en ont fait les frais. Combien d’entre eux ont fini en petits cailloux sur la chaussée, en borne, en banc ou en boute-roue justement …
- Mes remerciements à Arnaud GABET, Président de Cambrésis Terre d’Histoire pour les précieux renseignements communiqués.
LE CROMLECH DE NIERGNIES EN PRATIQUE
- Localisation : Grande Rue, juste au panneau de Niergnies, sur la D 157
- Accès libre
- Possibilité de stationner à proximité
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