L’arbre a toujours tenu une place essentielle dans nos traditions, nos croyances, notre rapport à la nature, à la notion de communauté. Tantôt objet de culte, de légendes, de curiosité, de soins, de festivités, tantôt objet d’étude, d’oubli, de renaissance. Les arbres nous entourent et nous livrent parfois des morceaux de mémoire pittoresques, étonnants, amusants. Ils sont bien plus qu’un patrimoine vivant, ils témoignent de l’Histoire tels les arbres de la liberté.
LES ARBRES DE MAI, RACINES DES ARBRES REVOLUTIONNAIRES
Nous partons aujourd’hui à la découverte de ces arbres de la liberté et de la paix replantés aujourd’hui avec cérémonie sur la place des villages, à l’ombre des monuments aux morts ou des églises.

Dans son étude passionnante sur la tradition des arbres de la liberté, Erik Fechner, met en évidence la filiation entre la tradition des arbres de Mai et la naissance des plantations des arbres de la liberté à partir de 1790.
Les arbres de « Mai » renvoient à une tradition festive, où l’ on coupait un arbre en signe de fertilité, de renaissance, de liens au sein de la communauté. Une tradition qui ne perdure plus, dans notre région, qu’à Sains-lès-Marquion avec la plantation de l’arbre de Sainte-Saturnine. La tradition de la fête des Mayes et de l’arbre Saint-Nicolas d’Adinfer dans le Pas-de-Calais a cessé en 2005. La filiation des arbres de Mai avec les premiers arbres révolutionnaires de la liberté semble aujourd’hui acquise. Rien ne naît de rien. Et une nouvelle pratique vient souvent d’une tradition plus ancienne qu’on habille d’un nouveau sens pour servir de nouveaux desseins.
LES ARBRES DE LA LIBERTÉ, UN SYMBOLE RENOUVELÉ

Les premiers arbres de la liberté sont plantés dès 1790. Et leur nombre vont aller croissant. Un décret du 22 janvier 1794 va même théoriser et réglementer cette pratique. Il impose à toutes les communes de France que tout arbre mort sera remplacé par un nouveau. Il devra être planté avec des racines et faire l’objet de soins et d’attention de la part des citoyens. L’arbre doit grandir, devenir de fort et vigoureux, indéracinable, traverser les siècles, multiplier ses branches, faire de nouvelles pousses. On comprend facilement la symbolique voulue par les instances révolutionnaires.
L’arbre devient ainsi un lieu de « communion » laïque où doit prendre forme un nouvel esprit citoyen. On choisit l’arbre pour les procès publics, les départs à la guerre pour défendre la patrie, les débats et les cérémonies qui soudent l’unité du village, de la communauté, de la nation. » Une société se construit sur un « vivre en commun » où se partage des règles et des symboles. Le christianisme a voulu chasser le paganisme en multipliant les croix et en sanctifiant les lieux de croyances. La révolution a voulu effacer le religieux en allant jusqu’à remplacer les croix par des nouveaux arbres de la liberté.
Nombre d’entre eux vont faire les frais des soubresauts et des vicissitudes de l’Histoire. La restauration les fera abattre. La révolution de 1848 les replantera fièrement à l’image du platane d’Orient du quartier d’Annapes à Villeneuve d’Ascq toujours décoré en tricolore le 14 juillet.
LES DERNIERS ARBRES DE LA LIBERTÉ
Les commémorations des deux guerres mondiales ont vu fleurir de nouveaux arbres de la Paix. Le bi-centenaire de la révolution, en 1989, a permis de replanter un nombre impressionnant de jeunes arbres de la Liberté. Quant aux plus anciens, il en reste de moins en moins. Ces vieux témoins de l’Histoire de France sont bien souvent réduits au souvenir d’une carte postale ancienne ou quelques lignes dans un vieux guide touristique. On prête aussi à quelques vieux tilleuls remarquables plusieurs fois centenaires d’être les derniers témoins d’une période sanglante d’un territoire à l’image du vieux tilleul de Marquise planté vers 1412.
Il en reste néanmoins quelques-uns, rares, très rares qui ont échappé aux vicissitudes du temps, des conflits, des humeurs, des tempêtes. À l’ombre de leur frondaison, vous y trouverez toujours un peu de la sagesse du temps. Certains disent qu’ils portent en eux la mémoire de tous ceux qui les ont approchés. Qui sait si en posant simplement la main sur leur vieux tronc, avec respect, ne laisserons nous pas aussi un peu plus qu’un instant…
2 Commentaires
Régis Caloin
Dans la commune de Longvilliers ou je suis né , tous les ans le premier samedi de mai on hisse un drapeau sur un tilleul de trente mètres de haut , les drapeaux étaient payés par les conscrits qui avaient passés leurs conseil de révision devant les maires du canton. Ils payaient leurs coups à boire et ils offraient de la tarte à gros bord .
il n’y a plus de conseil de révision mais cette tradition continue avec les jeunes de la journée citoyenne, avec en plus la participation de la fanfare de la ville d’Etaples …
Isabelle Duvivier
Merci Régis pour ce magnifique témoignage qui montre combien la tradition des arbres de Mai est encore bien vivante. C’est passionnant. Je ne connaissais pas cette coutume de Longvilliers, preuve que nos régions sont d’une richesse incroyable. Vraiment, merci à vous, encore une fois, pour nous avoir fait partager ce rendez-vous de Mai !