Carpeaux, Watteau, Rubens…autant de noms qui font aujourd’hui la réputation du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes. Pourtant, pendant très longtemps, celle qu’on surnomme l’Athènes du Nord pour sa richesse culturelle n’avait pas de musée digne de ce nom. Les collections de maîtres d’arts sont exposées à l’époque à l’hôtel de ville. De nombreux artistes ou habitants crient au manque…On envisage alors clairement la création d’un musée à la grandeur de ces artistes. La démolition des remparts à la fin du XIXe siècle a libéré beaucoup d’espaces. La construction du musée des Beaux-Arts sur la place Verte peut bientôt démarrer.

Où trouver 600 000 francs pour le construire ?

un des billets de loerie émis pour la construction du musée des Beaux-Arts de Valenciennespour la
Un des billets de loterie émis pour la construction du musée des Beaux-Arts de Valenciennes

Valenciennes organise un concours d’architecture pour déterminer quel projet sera le plus approprié aux désirs des élus. Après quelques tergiversations, c’est Paul Dusart qui décroche le poste tant convoité. Inspiré du Petit Palais à Paris, son édifice séduit les élus mais pose un problème majeur…le coût. 600 000 francs. Comment réunir une telle somme ?

Un élu émet l’idée d’organiser une loterie pour permettre le financement. Elle prendra rapidement forme. En effet, on ne dénombre pas moins de 117 lots allant de cent francs à 150 000 francs. La ville réalise une importante promotion et distribue pas moins de 60 000 prospectus. Le tirage aura lieu le 15 Mars 1905. Deux jours plus tôt, le matériel de tirage arrive à Valenciennes. Il s’agit de roues de fer et de cuivre d’un poids de 300 kg !

Pari réussi : Valenciennes aura son musée des Beaux-Arts

photo du musée de Valenciennes en construction
Photo de la construction du musée. Archives Hainaut Pedia

4000 personnes se pressent à l’hippodrome de la ville. Le tirage commence à 10h pile. Rapidement, les 117 gagnants sont énoncés jusqu’à 11h30. C’est le numéro 640 566 qui gagne le lot de 150 000 francs. Les chanceux qui ont tiré un lot ont un délai de trois mois pour se présenter chez monsieur le maire. Le Valenciennois du 24 mars constate avec curiosité que seuls 23 gagnants se sont fait connaître au cours de la semaine qui a suivi le tirage. Peu de gagnants sont de la cité nordiste, certains lots partiront même très loin de leur point de départ.

La gagnante, Madame Collet reçoit 150 000 francs sur la Banque de France. Parisienne, elle repartira chez elle dans la foulée en laissant 2000 francs pour aider les pauvres de la ville.

L’opération, est un succès, elle se chiffrera contre toute attente à 720 000 francs. La loterie permettra de lancer les travaux en 1905. Ils dureront jusqu’au 27 Juin 1909, date de l’inauguration devant un public conquis par la beauté de l’édifice..

La loterie ne fera pas que des heureux…

Léongravure d'un vendeur de billet de loterie illustrant la loterie du musée Valenciennesce Alquier est originaire d’un petit village du sud de la France. Il lit le vendredi 17 mars qu’un de ses billets a été tiré au sort pour le lot gagnant. Il célèbre l’événement en offrant des cigares à ses camarades et en les invitant à venir faire la fête chez lui. Sur les conseils d’un ami, il télégraphie au maire de Valenciennes pour se faire confirmer définitivement le numéro gagnant. La réponse du maire va lui faire l’effet d’un choc : « Impossible, avons en main le numéro 640 566 ». On lui laisse alors trois jours pour se présenter avec le billet à Valenciennes… à l’autre bout de la France.

Il se démène et parvient à venir dans le Nord tant bien que mal. Reçu par le maire et son adjoint, son billet est vite reconnu non valable un examen soigné montre les deux chiffres du milieu grattés et remplacés par un « 0 » et un « 5 »…

Soupçonné de fraude, le malchanceux subit un interrogatoire. Niant en bloc toute accusation, il est déféré au Parquet à 18 heures sous l’inculpation d’escroquerie. Le maire demande à la justice de faire preuve d’indulgence. Alquier s’entend condamner à cinq ans de prison et 50 francs d’amende. Il est conduit au bagne de Saint-Vaast. Son appel le conduira à un jugement plus clément, il n’écopera « que » de deux ans avec sursis. Jugement clément s’il s’avère qu’il a fraudé mais terriblement sévère si Alquier est, comme il l’a clamé depuis le début, au dessus de tout soupçon.

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