Lorsque Charles Ogier de BATZ de CASTELMORE, dit d’Artagnan, est nommé gouverneur de Lille, il a, selon toute vraisemblance la soixantaine passée. Le plus célèbre des mousquetaires du roi, le plus célèbres des « trois mousquetaires d’Alexandre Dumas », tel que nous le connaissons, tient plus de la plume que de l’épée. Pourtant, d’Artagnan a bien existé. Toutefois, sans rien lui enlever de son courage et de son caractère bien trempé, nous sommes loin du personnage de roman maintes fois porté à l’écran.
Sa vie et sa mort sont ainsi une ronde romanesque où surgissent quelques faits réels. Oui, Monsieur de d’Artagnan est venu jusqu’à Lille, aux confins d’un royaume conquis pas à pas par le roi Soleil. Lille où son nom surgit quelquefois au détour d’une rue. Un Nord où le mystère de sa mort hante encore les murs du château d’Olhain et son cortège de fantômes… Mais c’est une autre histoire.
Un fidèle parmi les fidèles du roi
Ce Gascon, né vers 1611-1613, à Castelmore près de Lupiac dans le Gers entre dans la compagnie des mousquetaires vers 1636. Il prend alors le nom de sa mère Françoise d’Artagnan. Ce fidèle de Mazarin, le sera tout autant à Louis XIII puis Louis XIV. Il est de toutes les campagnes, de tous les sièges au fil du règne de ces souverains : Arras, Lens, Gravelines, Bergues, Dunkerque, Douai, Tournai, Lille… Les villes du Nord tombent une à une. Les dernières campagnes de Louis XIV redessinent peu à peu les frontières du royaume. Vauban en fait des places-fortes innovantes pour les garder dans le giron du royaume à commencer par la citadelle de Lille, « la reine de Vauban ».
D’Artagnan, d’abord, capitaine du régiment des gardes royaux sous le commandement du maréchal de Turenne, est nommée lieutenant de la compagnie des Mousquetaires du Roi. Ce corps prestigieux a pour vocation de protéger le souverain. Il l’accompagne dans ses déplacements et lors des batailles, mais assure aussi des missions spéciales comme l’arrestation de Fouquet. Ces soldats d’élite sont également chargés de réprimer les soulèvements populaires. On comprend donc mieux le choix d’Artagnan, un homme sûr et aguerri, pour remplacer pendant quelques mois, le marquis d’Humières.
D’Artagnan à Lille, un gouverneur au cœur d’une ville hostile
Lille n’est française que depuis cinq ans à peine, lorsque d’Artagnan est nommé gouverneur intérimaire de la cité flamande en avril 1672. Cinq ans qui n’ont pas apaisé les rancœurs des Lillois pour ces Français conquérants, mais haïs. Pour preuve cette citadelle construite par Vauban en dehors des fortifications de la ville doublée d’une garde en plein cœur de la cité, au cas où… La méfiance règne de part et d’autre. Il connaît bien cette ville si stratégique pour avoir participé à sa conquête en août 1667. Il fait son entrée, victorieux, aux côtés du souverain le 28 août, par l’ancienne porte des Malades qui deviendra plus tard la porte de Paris.
Cette charge lui tient à cœur, mais ce mousquetaire, enclin à la rudesse et à la discipline des champs de bataille va se heurter sans ménagement à ceux qu’il gouverne. En témoigne la correspondance échangée avec le marquis Louvois, secrétaire d’État à la guerre où les querelles avec les ingénieurs de Vauban vont apparaître au grand jour.
Que sait-on du séjour de d’Artagnan à Lille ?
On se plaît à imaginer le « d’Artagnan de Dumas » ferrailler dans les salles d’armes du « Royal des Vaisseaux » de Lille, créée en 1672 et dont il fut Chef de Corps. Son héritière, l’Académie d’Escrime VAUBAN LILLE, est installée, aujourd’hui, dans la crypte de l’église Saint-Pierre au cœur de Wazemmes. Peut-être a-t-il festoyé dans les cabarets et dans les tavernes du Vieux-Lille. Mais sa charge est telle, que cet homme rigoureux, pointilleux et autoritaire, loin du héros fantasque et débridé imaginé par notre romancier, s’est sans doute plié aux devoirs de souper entre noblesse et notables ou aux dîners fins dans son logement de la rue Grande-Chaussée ou du quartier Royal à Lille. Il est certain que sa vie lilloise est loin de celle qu’il affectionne. Il reste un homme d’action, de combats, et s’est sans doute soulagé, qu’il la quitte huit mois plus tard. Une rue du centre-ville porte son nom depuis le 17 mars 1914.
« Je ne tiens pas assez à la vie pour craindre la mort »
Il rejoint ensuite Louis XIV pour sa seconde campagne de Hollande. Nous sommes en juin 1673. L’objectif est de prendre la place-forte de Maastricht. C’est lors d’une contre-offensive, le 25 juin, que d’Artagnan meurt d’une balle de mousquet.
Pour la petite histoire, il passa, dit-on, sa dernière nuit en France, en mai 1673, à Templemars. Il aurait dormi dans cet ancien couvent des Bénédictines dit « Maison des Mousquetaires » au 31-33 rue Jean-Jacques Rousseau. Il faisait route alors avec sa compagnie vers Maastricht. Alexandre DUMAS en fera le cadre de vie des jeunes années de Milady de Winter.
Le mystère de la tombe de d’Artagnan
On connait sommairement les circonstances de la mort du mousquetaire. En revanche, son lieu de sépulture reste un mystère. Les hypothèses font rage au sein des historiens. Certains, comme Odile Bordaz, penchent pour l’église de Wolder, reconstruite depuis, près de Maastricht. Des documents semblent attester que plus de 255 officiers et soldats français, tués durant le siège, furent ensevelis dans le cimetière de l’église ou sous l’édifice lui-même, alors sous contrôle des Français. Il était, en effet, courant d’ensevelir les corps des officiers et dignitaires de rang dans l’église la plus proche du champ de bataille avant la translation éventuelle de la dépouille au sein des caveaux familiaux ou religieux. Aucune mention de d’Artagnan ne vient cependant étayer cette hypothèse.
À la recherche d’une mystérieuse plaque à Plessis-Robinson
Une autre piste apparaît dans les années 1990. Un article de Libération fait resurgir un témoignage évoquant une plaque où l’on pouvait lire que “Ici les cendres de d’Artagnan né en 1611, mort en 1673. Cette plaque – aujourd’hui disparue – était encore visible juste après-guerre aux abords de l’église du Plessis-Robinson, à l’emplacement de l’ancien cimetière. Les lieux ont profondément changé en 1948. Pourquoi Plessis-Robinson ? Pierre de Montesquiou, comte d’Artagnan, cousin germain de notre célèbre mousquetaire, acquiert le château du Plessis vers 1700. Il y meurt en août 1725. Sa tombe disparaîtra elle aussi, durant la Révolution. Une question demeure, ce proche de la cour de Versailles et de Louis XIV a-t-il fait rapatrier le corps de son illustre cousin ?
Enfin, la tombe de d’Artagnan se cache-t-elle dans les murs du château d’Olhain ?
Et si cette fameuse tombe qui n’en finit pas de garder ses secrets étaient à quelques pas de nous ? Plus particulièrement au cœur du château d’Olhain dans le Pas-de-Calais. Ce magnifique château fort, à deux pas du dolmen des fées de Fresnicourt, offre un cadre exceptionnel avec sa basse-cour encore intacte, ses douves… Et ses fantômes ! En effet, la légende veut qu’il abrite la dépouille du valeureux mousquetaire. Hélas, le d’Artagnan qui repose dans la cour de la forteresse serait en réalité Louis de Montesquiou, comte de d’Artagnan. Il reposerait aux côtés de son épouse Louise de BERGHES à l’emplacement de l’ancienne chapelle, aujourd’hui disparue.
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