C’‘est vrai qu’il ressemble à s’y méprendre à son illustre modèle versaillais. Un Petit Trianon en miniature, certes, mais avec la même élégance. Une élégance qui donne tout son cachet à cet endroit privilégié de Cysoing. Un lieu de promenade entouré de faits d’armes, de sang royal, de petite et grande histoire… De légendes aussi. Nous voici au pied de l’étrange pyramide de Fontenoy, au cœur d’un parc où se dressait jadis l’abbaye Saint-Calixte.

Les secrets de l’abbaye Saint-Calixte

Si l’ancienne abbaye fondée au IXe siècle a presque totalement disparu aujourd’hui, elle marque toujours profondément la mémoire des lieux. Les tourments de l’histoire ont fini par tourmenter à leur tour cet endroit si paisible. Car, sous nos pieds, se cachent encore nombre de mystères… Souterrains parcourant la campagne, entrées cachées, anneau d’or au fond des viviers, trésor enfoui… La liste est longue des récits qui jaillissent au détour des fouilles, des souvenirs, des histoires qui l’entourent.

vue de l'ancien théâtre du château de Cysoing

À l’origine de l’abbaye Saint-Calixte, Evrard de Frioul et son épouse, Gisèle, petite fille de Charlemagne et fille de Louis le Pieux. Si les dates de leur mort ne sont pas connues avec certitude, leur lieu de sépulture ne l’est pas davantage. Pourtant, certaines sources font mention d’une crypte familiale, dans l’enceinte même de l’abbaye. Mais, en dépit des recherches, personne ne sait aujourd’hui où se trouvait le caveau. Et ce mystère va donner lieu à une première légende… Celle de la dame bleue.

Découvrir la légende du fantôme de Cysoing

Le séjour de Louis XV à Cysoing

Arrivé le 12 mai 1744 à Lille, il repart deux jours plus tard pour Cysoing. C’est la première étape d’une campagne de Flandre sur fond de guerre de Succession d’Autriche. Il choisit l’abbaye de Cysoing pour loger au plus près de ses troupes. Le camp royal s’étend dans la plaine au nord-est de Cysoing, entre Gruson, Baisieux et Camphin. Nous sommes proche de la chapelle aux Arbres, à quelques pas du champs de bataille de Bouvines. Les bâtiments sont réquisitionnés sans ménagement. On rafistole à la va-vite les châteaux environnants. On emprunte meubles, tapisseries, ustensiles… Guerre ou pas, l’Étiquette stricte de la cour doit être respectée.

plan d'occupation de l'armée de Louis XV dans la plaine de Cysoing
Plan d’occupation du camp de l’armée royale en mai 1744

On sait que le roi s’installe dans une chambre du bâtiment réservé à l’abbé. Les pièces voisines sont occupées par ses gens de service. Les pavillons attenants accueillent les hauts dignitaires. Il n’y a pas jusqu’à l’infirmerie de l’abbaye qui ne soit réquisitionnée par les confituriers du Roi en charge des desserts. Que dire des domestiques qui dorment dans les couloirs, à même le plancher. Les religieux, eux, s’entassent pour la plupart sur des matelas de fortune dans la bibliothèque.

Louis XV repart pour Lille le 17 mai. C’est le début d’une guerre éclair. Les villes de Menin, d’Ypres, Furnes tombent les unes après les autres comme autant de victoires. Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en octobre 1748, met un terme à la guerre. L’abbaye de Cysoing va garder le souvenir de ce séjour royal en édifiant la pyramide de Fontenoy. Mais pas seulement… Une centaine d’années plus tard, il va inspirer le futur propriétaire des lieux.

Le château de Cysoing, le rêve d’une Folie

ermitage sur une île du parc du château de CysoingLe 25 octobre 1793, le camp de Cysoing tenu par les forces autrichiennes tombe. Dans les rangs des troupes françaises, il y a des conventionnels, le noyau dur des révolutionnaires. Il ne leur faut que quelques heures pour mettre le feu à la tour abbatiale. L’incendie se propage alors aux autres bâtiments et aux maisons voisines. L’abbaye Saint-Calixte disparait à jamais. Le 5 juin 1795, le domaine est mis en vente. Les jardins dont fait partie la pyramide de Fontenoy sont rachetés alors par un certain Philippe Joseph Riquet, avocat lillois de son état.

Dans la tradition des Folies du XVIIIe siècle

peinture d'une folieLa construction de Folies est à la mode au XVIIIe. Ces palais aux allures faussement modestes de maisons de plaisance sont à l’image des amours qu’ils ont inspiré… Fastueux, échevelés, exotiques… Et voici que surgissent des grottes et des  artificielles, des belvédères, colonnes, kiosques, rivières, îlots, bosquets, temples d’Amour… Ils dessinent des paysages sublimés, pseudo antiques mais authentiquement exubérants. Le XIXe épris de romantisme et de nature idéalisée en reprend tous les codes et façonnent à son tour des jardins privés et des parcs publics dits à l’Anglaise. Et l’un des plus prestigieux exemples est justement le Petit Trianon de Versailles qui va inspirer trait pour trait le château de Cysoing.

La démesure du château de Cysoing

une grotte du parc du château de Cysoing
une des grottes artificielles réalisées avec des fragments de l’ancienne abbaye

Nous avons conservé quelques témoignages des aménagements entrepris alors : “Avec les débris de l’ancienne abbaye, Philippe Joseph Riquet bâtit un château, mais pas seulement. Il fait construire une salle de spectacle où vinrent jouer des acteurs du théâtre de Lille. Des constructions bizarres comme le tombeau et la tour Malbrough, l’Enfer. On y voit des squelettes articulés, cloués au mur, éclairés d’une lueur de flamme au moyen de verres colorés. On y entre par un étroit passage souterrain dissimulé dans les feuillages. Dans les jardins, des rochers et des grottes, un amoncellement étrange de marbres précieux, de beaux morceaux de sculptures gothique, des tronçons de colonnes, des niches de saints, des châteaux mutilés…“. Une folie dévorante, oui, qui va causer la ruine de l’avocat. ll meurt, ruiné, le 31 octobre 1815 dans la misère et l’indigence la plus totale.

Aujourd’hui, seuls les deux grands miroirs d’eau formés par les anciens viviers, un ermitage sur un îlot, l’ancien théâtre et le petit château sont les derniers témoins visibles de la splendeur passée de cette folie cysonienne. Mais, juste à côté, la pyramide de Fontenoy, imperturbable, a réussi, elle aussi à traverser les siècles.

Pourquoi une pyramide de Fontenoy ?

vue de la pyramide de Fontenoy à Cysoing

La pyramide de Fontenoy tient en réalité plus de l’obélisque (17 mètres de haut) que de la pyramide. Inaugurée le 24 mai 1751, elle honore à la fois le séjour de Louis XV à l’abbaye Saint-Calixte en mai 1744 et la victoire des troupes françaises dans la campagne de Flandre notamment à Fontenoy près de Tournai. Récemment restaurée, elle a retrouvé ses couleurs, tout en dorure et bleu royal. À l’origine, elle se trouvait au centre d’une immense étoile au cœur même des jardins de l’abbaye. Au départ de chacune des huit branches, huit bosquets accueillaient des sculptures et des devises retraçant les principaux épisodes de la campagne de Flandre.

“Messieurs les Anglais, tirez les premiers” !

gravure de la bataille de Fontenoy

Si le souvenir de la bataille de Fontenoy s’est peu à peu estompé, Voltaire, dans son précis du siècle de Louis XV, aura pourtant contribué à la faire vivre dans le langage commun. Il rapporte, en effet, que selon les salutations d’usage qui précédaient l’engagement, Lord Hay à la tête des troupes anglaises aurait invité les Français à ouvrir le feu. Le Comte d’Anterroches, côté français, aurait alors rétorqué « Non, Monsieur, nous ne tirons jamais les premiers ».


LE CHÄTEAU DE CYSOING EN PRATIQUE

un des anciens viviers devant le château de l'abbaye de Cysoing

 

  • Château et le parc (extérieur) : accès aux deux extrémités de la rue Louis XV, 59830 Cysoing
  • Parc en accès libre
  • Pyramide de Fontenoy en accès libre au bout de la rue Louis XV
  • Bancs de repos le long des viviers
  • Promenade non aménagée pour les personnes en situation de handicap
  • Site de la ville

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